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ÉLOGE DE M. DE MONTIGNI.

Le caractère de M. de Montigni le rendait propre aux travaux dont M. Trudaine voulait le charger. Il avait à la fois de la modération et de la fermeté ; ses opinions n’étaient point exagérées ; il aimait naturellement à agir avec sagesse et avec mesure : mais il savait vouloir le bien avec constance, et résister au mal avec courage ; doux, calme, indulgent même, il ne semblait sortir de son caractère que lorsque futilité publique l’exigeait, lorsque le spectacle de l’injustice ou de l’oppression excitait son zèle.

Une circonstance singulière le mit à portée de rendre de grands services aux manufactures. Un jeune Anglais (M. Holker) qui avait des connaissances très-étendues sur la fabrique des étoffes de toute espèce, ayant embrassé le parti du prétendant, avait été pris à la bataille de Culloden avec un de ses amis ; il s’attendait à périr du dernier supplice : traitement que la politique paraissait conseiller, et qui devait paraître barbare aux yeux de la justice, puisque la loi qui excluait les Stuarts du trône n’était (par la forme que l’esprit de parti lui avait fait donner) qu’une loi d’intolérance, et par conséquent une loi injuste pour quiconque ne partageait pas les préjugés persécuteurs des églises réformées. Cependant, M. Holker trouva le moyen de percer le mur de la prison où il était enfermé avec M. March, son ami. M. March descendit le premier : mais le passage était trop étroit pour son ami ; il rentra dans la prison pour préparer de nouveau leur évasion commune, et il aima mieux s’exposer à la mort et à une mort ignominieuse, du moins par son ap-