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ÉLOGE DE M. BERNOULLI.


par la nature des objets dont elle s’occupe, que par la faute de ceux qui l’ont cultivée. Dans les mémoires de M. Bernoulli, qui ont rapport à ces discussions, on voit quelques traits d’humeur s’échapper comme malgré lui, trop rarement pour faire croire qu’elles aient pu nuire à son repos, mais assez pour prouver que s’il aimait la paix, c’était moins par tempérament ou par insensibilité, que par raison et par philosophie.

Les membres de l’université de Bâle sont exclus des places du gouvernement : ce n’est pas (ainsi qu’on pourrait le croire dans certains pays où les préjugés gothiques ne sont pas encore éteints) que ces sages républicains aient pu regarder la noble fonction d’instruire les hommes comme un état abject ; ce n’est pas non plus que, suivant des idées non moins fausses, mais encore accréditées par l’ignorance et la crainte des réformes utiles, ils croient le talent pour les sciences incompatible avec le talent de gouverner ; comme si l’art de gouverner n’était pas aussi celui de découvrir ou de discerner la vérité ; comme si la méthode de la trouver, de la reconnaître, d’en présenter les preuves, n’était point la même partout ; comme si enfin les ressources qu’offre le goût des sciences ne devaient pas donner au caractère de ceux qui les cultivent, une indépendance qu’on n’est pas en droit d’attendre de ces hommes qui, n’étant rien que par leurs places, perdent tout quand ils sont forcés de les quitter. D’autres motifs sans doute ont dicté cette disposition : on a craint l’influence trop grande qu’aurait dans une république