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ÉLOGE DE M. BERNOULLI.


quelles les inclinaisons des planètes sont contenues, donnent droit de supposer qu’une cause physique les a empêchées de se mouvoir dans des plans plus inclinés les uns sur les autres. Il cherche ensuite cette cause encore inconnue : il croit l’avoir trouvée dans l’effet de l’atmosphère des planètes ; mais il faut avouer que cette explication n’est qu’ingénieuse. Jean Bernoulli vit avec peine son fils devenir en quelque sorte son égal, par le jugement d’une compagnie dont il avait lui-même tant de fois ambitionné et mérité le suffrage ; l’amour paternel, ce sentiment le plus fort et peut-être le moins personnel de tous ceux que les hommes peuvent éprouver, céda, dans son cœur, à sa gloire indignée. Peu touché de voir sa famille obtenir par ce partage un honneur encore sans exemple, insensible au bonheur si doux pour un père de sentir que son fils était digne de lui, il ne vit dans ce fils qu’un rival, et dans son succès qu’un manque de respect qu’il lui reprocha longtemps avec amertume. Cette humeur avait peut-être encore d’autres causes ; la pièce de son fils était supérieure à la sienne. M. Daniel Bernoulli avait eu l’imprudence de laisser paraître qu’il le croyait, et son père ne pouvait se dissimuler qu’il n’eût raison : enfin le fils avait osé se montrer Newtonien ; il abandonnait le cartésianisme que le nom de Bernoulli soutenait seul encore ; et cet aveu de M. Daniel Bernoulli était le dernier triomphe qui manquât à la gloire de Newton, que son père avait eu le malheur de combattre toute sa vie.

En 1740, M. Bernoulli partagea le prix sur le flux