porter à son père : il s’attendait à des applaudissements :
Ne devais-tu pas l’avoir résolu sur-le-champ,
fut toute la réponse qu’il reçut. Cette réponse, le
ton, le geste qui l’accompagnaient, consternèrent
le jeune homme, et jamais le souvenir de ce premier
chagrin ne s’est effacé de sa mémoire. Enfin, l’instinct
naturel qui entraînait M. Daniel Bernoulli, l’emporta
sur les projets de ses parents, et sa famille
obtint, malgré elle, l’honneur unique jusqu’ici,
nous ne disons point dans l’histoire des sciences,
mais dans les annales du monde, de produire trois
grands hommes en deux seules générations. Sans la
mort prématurée du frère de M. Daniel Bernoulli,
le prodige eût été plus étonnant encore, et l’Europe
eût compté deux fois de suite deux frères du nom
de Bernouilli parmi ces génies du premier ordre,
entre lesquels la génération qui jouit de leurs travaux
partage son admiration, en laissant à la postérité
seule le droit de marquer leur rang.
La vie de M. Bernoulli nous fournira peu d’événements : il passa quelques années en Italie, où il alla pour se former dans les sciences médicales, sous Michelotti et Morgagni, mais où il ne s’occupa que de mathématiques, et il en partit comblé d’honneurs littéraires, après avoir refusé, à vingt-quatre ans, la présidence d’une académie que la république de Gènes se proposait d’établir. L’année suivante, il fut appelé à Pétersbourg avec Nicolas son frère, qu’il y perdit au bout de huit mois. Quoiqu’il jouît, dans cette académie naissante, d’une fortune au-dessus de ses désirs, il tournait sans cesse ses regards