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ÉLOGE DE M. D’ANVILLE.


qu’il n’ignorait que ce qu’il était impossible de connaître à l’instant où il composait ses cartes. On y vit disparaître une foule de fleuves, de royaumes, d’îles qu’il reléguait dans le pays des chimères : de vastes espaces en blanc marquaient ce qui restait à connaître ; mais ils étaient une preuve de l’exactitude de tout ce qui était rempli.

A la géographie moderne, M. d’Anville avait joint l’étude de la géographie ancienne, et de celle du moyen âge, qui unit l’une à l’autre. Géographes, philosophes, historiens, orateurs, poètes même, il avait tout lu, tout étudié, mais uniquement dans leur rapport à l’objet de son travail. De nouvelles difficultés s’opposaient à cette partie de ses études : n’ayant pour guide que des observations astronomiques en petit nombre, et presque toujours inexactes, sans aucune détermination géométrique des positions et des distances, il fallait faire d’immenses recherches pour s’assurer de la véritable valeur des mesures employées par les anciens, tantôt les mêmes, sous des dénominations différentes, et tantôt, quoique sous les mêmes dénominations, variant suivant les pays et le siècle où elles étaient en usage.

Il fallait reconnaître les changements que le temps a pu apporter dans le cours des rivières, dans la forme des terrains, dans celle des côtes ; retrouver des villes dont la position a changé, quoiqu’elles aient conservé leur nom ; celles qui, restées au même lieu, ont perdu leur nom et le souvenir de leur origine ; celles enfin dont les ruines ont été ou dispersées ou