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ÉLOGE DE M. D’ANVILLE.


chaque géographe, chaque voyageur. Ce n’est pas tout : après avoir rejeté ce que la critique lui montre comme trop incertain, il aperçoit encore des différences entre les déterminations qui ont pu lui paraître également assurées. Ainsi, lorsque ces données lui offrent plusieurs manières de former une carte, il lui reste à trouver encore la manière qui s’accorde le mieux avec les points déterminés par des méthodes certaines, et qui ne suppose point, dans les observations ou dans les faits qu’on ne peut rejeter, des erreurs qu’il est impossible d’y admettre. Il serait inutile de chercher une méthode scientifique de résoudre ces difficultés ; elle n’échapperait point aux principes du calcul, mais elle lasserait la patience et le courage du calculateur le plus laborieux : une sorte d’instinct doit y suppléer ; et cet instinct est ce qui distingue le grand géographe, c’est proprement le génie de cette science. Il est impossible de marquer sur une carte le degré de probabilité qu’on croit pouvoir assigner à la position de chaque point : il est donc important pour la géographie de n’y placer que les objets dont l’existence est à peu près certaine, dont on connaît la position avec une sorte d’exactitude ; mais alors on est encore souvent exposé à laisser vides de grands espaces, et il faut du courage pour s’y résoudre ; il faut être bien sûr qu’on les attribuera plutôt à l’imperfection de la géographie qu’à l’ignorance du géographe.

En disant ici ce qu’un géographe doit être, nous avons dit ce qu’a été M. d’Anville ; rien de ce qui pouvait l’éclairer ne lui avait échappé ; on était sûr