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ÉLOGE DE M. PRINGLE.


faites sur des corps nombreux, ne peuvent permettre le doute si commode pour les hommes puissants, lorsqu’ils sont indifférents ou corrompus. M. Pringle eut le plaisir de voir un de ses confrères à la Société royale, le général Melvil, gouverneur des îles de l’Amérique, mettre ces préceptes en pratique, et conserver les soldats confiés à ses soins, en plaçant ses hôpitaux sur les lieux hauts et aérés, en fixant le séjour de ses troupes dans des terrains secs, et supérieurs aux exhalaisons humides.

Mais cette utilité des vues de M. Pringle n’a presque été sentie que par les guerriers : eux seuls semblent regarder la conservation des hommes comme un des devoirs du commandement. L’Europe est encore couverte de marais dont les exhalaisons ou écartent les hommes des terrains fertiles qu’elles infectent, ou les conduisent à une mort plus prompte par une vie languissante et douloureuse. Les générations que les terrains rendus à la culture auraient nourries sont étouffées dans leur germe : dans la durée d’un siècle, plus d’un million d’hommes qui périssent en Europe par cette seule cause, semblent accuser ou le peu de lumières ou l’indifférence de ceux qui négligent de les préserver de ce fléau : l’on est contraint même d’avouer avec douleur que ce n’est pas à la nature seule qu’on doit l’imputer ; une partie du mal, et la plus grande partie peut-être, est l’ouvrage des hommes ; c’est à l’avidité du riche que la santé, que la vie du pauvre est immolée ; et tandis que l’utilité du commerce a fait délivrer les grandes rivières des obstacles qui en