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ÉLOGE DE M. PRINGLE.


vastation et du carnage, lui seul exerce un ministère consolateur ; citoyens, ennemis, tous également confiés à ses soins, ne sont pour lui que des frères. Entouré d’une multitude immense occupée à exécuter des projets destructeurs, il peut se livrer aux sentiments de son cœur, et céder à toutes les impressions de la vertu. Les lois terribles de la guerre sont muettes pour lui, c’est à lui seul qu’il est permis d’écouter la voix de la nature. Il paraît, au milieu des hommes qui l’environnent, un être d’une espèce supérieure, ou plutôt lui seul est véritablement homme, et peut en conserver, sans atteinte, le caractère et la dignité.

En remplissant les fonctions de cette place, M. Pringle aperçut combien l’art de la médecine, employé avec sagesse, pouvait diminuer le nombre des victimes de la guerre. Au milieu d’une multitude d’hommes obligés aux mêmes travaux, respirant le même air, ayant la même nourriture, le même habillement, le même logement, les mêmes vices et les mêmes habitudes, il eut occasion d’observer en grand quels pouvaient être les effets des différentes constitutions de l’air, des saisons, de la température, des logements humides ou resserrés, des diverses sortes d’aliments et des différents régimes, ceux enfin de la négligence et de la malpropreté ; il put examiner quelles maladies ces causes, ou séparées ou réunies, produisent parmi les soldats ; les caractères qui distinguent les épidémies des armées, des épidémies ordinaires, et les maladies qui sont vraiment épidémiques de celles que l’on confond avec