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ÉLOGE M. TRONCHIN.


propre, pour ne s’occuper que de leur salut, qu’il préférait au maintien des lois de la médecine et même à la gloire du médecin : s’il ne désarma point la haine de ses ennemis, il sut du moins la fatiguer et la réduire au silence.

Il s’était rendu cher à ses malades par l’art avec lequel il savait donner aux fonctions de son état l’apparence et le charme des soins de l’amitié ; par une attention scrupuleuse à leur épargner toute souffrance, tout dégoût inutile, à s’occuper de leurs douleurs comme de leur danger. Enfin, la différence entre la médecine de M. Tronchin et celle de ses confrères, était encore une des causes de l’attachement qu’on avait pour lui ; on croyait impossible de le remplacer. Nous ne parlerions pas de cette dernière raison, si nous n’en avions cité de meilleures ; car ce motif peut agir en faveur des charlatans comme du médecin le plus habile ; c’est même un de ceux qui nourrissent le plus l’enthousiasme de leurs partisans, et un des moyens qu’ils savent employer avec le plus d’adresse.

Ainsi, M. Tronchin s’était fait de véritables amis de la plupart de ses malades : cependant il conservait avec eux un ton imposant qui lui était naturel ; mais ce ton même augmentait leur confiance. Quelque habile que soit un médecin, s’il parle beaucoup sur les maladies qu’il traite, il est impossible qu’il ne lui échappe des contradictions, des raisonnements vagues, souvent même des erreurs, et que ces erreurs ne soient remarquées. Les médecins, comme les législateurs, ne doivent rendre compte