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ÉLOGE M. TRONCHIN.


à telle époque, faire une impression plus forte sur le peuple de tous les rangs.

M. Tronchin ne bornait pas ses soins à conserver la vie de ses malades ; il songeait à diminuer pour eux les souffrances d’une convalescence lente et pénible, à leur sauver ces infirmités longues et quelquefois mortelles, qui sont trop souvent l’ouvrage de remèdes trop actifs. Il savait que la douleur est un mal plus réel que la mort même ; et jamais on ne le vit employer ces ressources cruelles qui prolongent la vie de quelques instants, pour livrer ces instants à l’angoisse et aux douleurs, et qui changent souvent en un long supplice ce dernier et paisible sommeil, par lequel la nature aurait terminé la vie.

Dans les maladies chroniques, celles où il eut les succès les plus constants, les moins contestés, il s’appliquait à connaître le moral de ses malades ; et souvent l’histoire de leurs sentiments ou de leurs passions lui découvrait ce que l’inspection seule de la maladie n’aurait pu lui faire deviner. Cette confiance qu’il savait si bien obtenir, lui donnait une force bien grande contre des maux sur lesquels, même quand ils sont le plus réels, l’imagination a tant de pouvoir ; elle lui apprenait à distinguer les maladies contre lesquelles il devait employer les remèdes, et celles dont ses malades ne devaient attendre la guérison que du temps, des événements, de la raison et de leur courage.

On peut compter au nombre des obligations que nous avons à M. Tronchin, le mérite d’avoir rendu la petite vérole moins dangereuse, en même temps