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ÉLOGE M. TRONCHIN.


y attirer ; elle prouvait que ces réformateurs n’étaient point, comme ils prétendaient l’être, des hommes vertueux que les abus de l’Église romaine avaient indignés, mais des théologiens orgueilleux qui n’avaient brisé le joug de Rome que pour imposer le leur.

Après la mort de Théodore Tronchin, sa famille continua d’occuper à Genève les premières places de l’université et des conseils, et ses descendants y jouirent constamment de la considération publique comme théologiens et comme magistrats ; mais la fortune du père de M. Tronchin avait été détruite, vers 1720, par des malheurs trop communs à cette époque, où la fureur des innovations en finance agita toute l’Europe, comme celle des innovations en théologie l’avait agitée deux siècles auparavant. Le jeune Tronchin quitta sa patrie à l’âge de dix-huit ans pour aller en Angleterre auprès du célèbre Bolingbroke, son allié. Hardi dans sa politique comme dans sa philosophie, plus fait pour entraîner les opinions que pour gouverner les hommes, ayant ces talents qui portent aux grandes places et qui en font juger digne, plutôt que les talents qui rendent capables de les exercer avec succès, et qui donnent les moyens de s’y maintenir, Bolingbroke se trouvait alors sans crédit à la cour d’un roi qu’il avait voulu exclure du trône, et chez une nation qui l’accusait d’avoir trahi ses intérêts, parce qu’il n’avait point flatté tous ses préjugés. Il ne put être utile à M. Tronchin qu’en lui montrant, par son exemple, combien le goût de l’étude et du travail est une res-