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ÉLOGE DE M. DE MAUREPAS.


conserva que ce qui s’accordait avec son caractère. Il avait appris, sous la régence, combien ceux qui gouvernent peuvent gagner de temps et s’épargner de tracasseries ou d’importunités, en ne mettant, aux petites choses, que le prix qu’elles ont. Il avait vu, dans plus d’une occasion, qu’un des moyens les plus sûrs de terminer facilement les affaires qui ne sont importantes que dans l’opinion, est de montrer, par la manière de les traiter, qu’on a su les réduire à leur juste valeur. Il avait pris, sous le cardinal de Fleury, l’habitude de la modération et de la modestie, sans rien perdre de ce ton gai et facile qu’il avait vu, dans sa première jeunesse, remplacer la dignité des ministres de Louis XIV. Son extérieur, ses discours n’annonçaient qu’un homme de bonne compagnie, doux et aimable ; sa maison était celle d’un particulier riche, mais ami de la simplicité et de l’ordre.

On lui a reproché d’avoir eu peu d’amis. Placé, à quatorze ans, dans le tourbillon de la cour et des affaires, comment aurait-il pu avoir le bonheur de connaître ces attachements profonds qui se nourrissent par le silence, par la conformité des goûts, des opinions, des sentiments ? On n’a d’amis, dans le ministère, que ceux qu’on avait avant d’y entrer ; et M. le comte de Maurepas avait presque toujours été ministre. Mais du moins a-t-il souvent trouvé une reconnaissance vive, constante ; et il la méritait, puisqu’il savait obliger sans faste et sans jamais faire éprouver, soit avant, soit après ses services, ce despotisme des bienfaiteurs, qui fait plus