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ÉLOGE M. DE MAUREPAS.


de la bonté de son souverain avec un attendrissement dont il donnait rarement des marques, et comme s’il eût prévu que c’était la dernière qu’il dût recevoir. La nouvelle d’un événement heureux et décisif pour la guerre d’Amérique, arriva presque dans ces derniers moments : mais il eut le temps de l’entendre et d’en jouir, et il expira le 21 novembre 1781, n’emportant avec lui, sur le sort de l’État, que des espérances flatteuses et bien fondées, et laissant la France partagée entre la joie de la naissance d’un prince et celle d’une victoire.

Il fut pleuré du roi, et cet attachement constant d’un jeune prince pour un vieux ministre, avec qui l’habitude ne l’avait pas familiarisé dès l’enfance, est un éloge pour le ministre comme pour le prince.

M. de Maurepas fut désintéressé, et le fut sans faste : après trente-quatre ans de ministère, il en sortit sans épargnes et sans dettes. Lorsqu’il y entra, il vit à peu près quelle augmentation de dépense son établissement à Versailles pouvait lui coûter, et borna ses appointements à cette somme.

Gouvernant lui-même ses terres avec une économie noble et sage, conciliant l’intérêt de son revenu et celui de ses vassaux, souvent bienfaisant et toujours juste, M. de Maurepas fut, pour les grands propriétaires, un modèle d’admiration, comme il en était un de désintéressement et de modestie pour les ministres. Dans les différentes époques où il eut part au gouvernement, il sut se plier à l’esprit dominant de chacune ; mais il n’en