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ÉLOGE DE M. DE MAUREPAS.


cune puissance : son résultat enfin devait être un événement important au bonheur du genre humain ; et jusqu’ici peut-être aucune guerre, même juste, n’avait eu cette excuse aux yeux de l’humanité. Il avait prévu, dès 1749, cet événement qui n’eut lieu que vingt-neuf ans après, en 1778. Dans un mémoire remis au feu roi, peu de temps avant son exil, il lui développait les moyens d’ouvrir, par l’intérieur du Canada, un commerce avec les colonies anglaises, de leur apprendre à aimer le nom français, et à regarder la France comme une alliée naturelle, qui les aiderait un jour à briser le joug de l’Angleterre, lorsque l’inexorable dureté du despotisme populaire aurait rendu ce joug insupportable.

La mort vint surprendre M. de Maurepas à l’instant où son bonheur ne pouvait plus croître ; et la fortune, qui l’avait toujours favorisé, lui ménageait, pour ses derniers moments, les deux événements qui pouvaient le plus en adoucir l’amertume.

La naissance d’un héritier du trône n’est pas seulement, pour le confident intime d’un monarque, un événement public qu’il partage avec tous les citoyens ; c’est un bonheur particulier et personnel. Le roi le sentit : il vint annoncer lui-même cette nouvelle à son ami, et s’en féliciter avec lui ; expressions bien précieuses quand elles échappent au cœur d’un roi, dans un de ces instants surtout où la nature est seule entendue, et où les rois ne sont que des hommes. M. de Maurepas, déjà attaqué de la maladie sous laquelle il succomba, reçut cette preuve