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ÉLOGE DE M. DE MAUREPAS.


il gémit, sait attendre et se taire. Le mot célèbre de Fontenelle à un prince qui lui disait qu’il croyait peu à la vertu : « Monseigneur, il y a d’honnêtes gens, mais ils ne viennent pas vous chercher, » renferme l’explication la plus vraie de cette conviction de la perversité humaine, qui endurcit ou afflige la plupart de ceux qui gouvernent.

Nous nous arrêterons peu sur cette dernière partie de la vie de M. de Maurepas ; on ne peut louer que ce qu’il est permis de juger. Tout citoyen a sans doute le droit d’avoir une opinion sur les talents ou les intentions d’un administrateur, d’après les lois qu’il a proposées et rédigées, puisqu’on peut juger ces lois en comparant leurs dispositions avec l’intérêt de la nation, les droits des hommes, les règles de la justice, les principes certains et invariables de la science de gouverner. Mais c]ui pourrait se croire assez instruit pour prononcer sur la conduite d’un ministre contemporain, dont l’influence plus ou moins puissante dans chaque opération du gouvernement, dont les vues, les motifs, souvent même l’opinion, sont au nombre de ces secrets que les races futures découvrent presque toujours, mais qui ne sont jamais qu’à demi connus des hommes du même temps, et qui, n’ayant que la postérité pour juge, n’appartiennent qu’à l’histoire ?

Cependant, il doit nous être permis de faire honneur à M. de Maurepas, de cet esprit de modération, d’indulgence même, qui a constamment caractérisé son ministère. Aucun des ministres déplacés ne fut exilé. L’ambitieux est assez puni par la perte de son