Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 2.djvu/510

Cette page n’a pas encore été corrigée
490
ÉLOGE M. DE MAUREPAS.


fois des esclaves de la faveur, et en reconnut plusieurs, qui, après vingt-cinq ans d’oubli, vinrent lui répéter avec confiance les mêmes protestations de dévouement et de zèle, lui faire entendre les mêmes flatteries, et le fatiguer d’une reconnaissance que de nouvelles espérances avaient enfin réveillée. M. de Maurepas ne leur montra ni indignation ni dédain ; peut-être même n’eut-il point pour eux plus de mépris que pour ses autres flatteurs ; peut-être fut-il moins indigné de leur bassesse que frappé de leur maladresse et amusé de leur secret embarras. L’habitude des affaires apprend à mal penser des hommes ; et cette mauvaise opinion de l’humanité est un malheur attaché aux grandes places. Ce n’est pas que ceux qui habitent les cours et les capitales soient beaucoup plus corrompus que les autres hommes ; la différence à cet égard est plus petite peut-être qu’on ne l’imagine communément ; mais un ministre est obligé d’arrêter sans cesse ses regards sur ce qui s’écarte de l’ordre, et ce qui s’y conforme lui échappe presque nécessairement. Si on s’adresse à lui, c’est presque toujours pour lui demander de faire une injustice ou de la réparer ; chaque affaire nouvelle lui découvre donc un méchant de plus ou une nouvelle preuve de la corruption humaine. Les gens avides l’assiègent, et les hommes vertueux ne s’empressent pas autour de lui. L’amour du bien public, le zèle pur et éclairé du citoyen n’a point cette activité importune que donne l’intérêt personnel. Ce zèle parle hautement et avec force ; mais il ne se fait entendre qu’une fois : si on le repousse,