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ÉLOGE M. DE MAUREPAS.


serait permis d’en tirer vanité, si, malheureusement, nous n’avions adopté quelques modes ridicules des Anglais, avec plus d’enthousiasme encore que leur philosophie.

M. le comte de Maurepas ne put résister, dans sa retraite, au désir qu’on lui montrait de le consulter sur des affaires particulières ; il se rendit le conseil d’un grand nombre de familles considérables et l’arbitre de leurs plus grands intérêts. Son intégrité, la confiance que sa réputation de sagacité lui avait acquise, lui formaient ainsi une sorte de ministère assez étendu pour l’occuper, assez important pour l’intéresser, et d’autant plus flatteur, qu’il ne devait plus son autorité qu’à lui-même. Par là il évitait ce vide qu’éprouvent les ministres déplacés, lorsqu’ils n’ont rien à substituer, ni aux grands objets qui les ont occupés, ni à ces agitations qui fatiguent et qu’on préfère à l’ennui. Le dégoût de tout ce qui n’est que spéculation, est la suite presque nécessaire de l’habitude de s’occuper des affaires publiques. Le travail qu’elles exigent attache fortement, parce qu’il conduit toujours à un résultat qui produit sur les autres hommes un effet réel. Pour un ministre, travailler est agir : une occupation tranquille ne peut donc remplacer les affaires dans l’homme qui s’y est livré, à moins qu’il n’ait pour la vérité cette passion qui, satisfaite du plaisir de la connaître, fait trouver des jouissances même dans le travail auquel elle se dévoue pour la chercher, et qui ne croit aucun temps mieux employé que celui qu’elle consacre à l’étude, parce qu’elle regarde la