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ÉLOGE M. DE MAUREPAS.


toutes les affaires qu’on lui proposait ; les expliquant aux intéressés avec une clarté que souvent ils n’auraient pu eux-mêmes leur donner ; se les rappelant après un long temps, comme s’il en eût toujours été occupé ; paraissant chercher les moyens de les faire réussir ; choisissant, lorsqu’il était obligé de refuser, les raisons qui paraissaient venir d’une nécessité insurmontable, et (s’il était possible) celles même qui pouvaient flatter l’amour-propre de ceux dont il était obligé de rejeter les demandes ; évitant surtout de leur laisser entrevoir les motifs qui pouvaient les blesser ; adoucissant ses refus par un ton d’intérêt qu’un mélange de plaisanterie ne permettait pas de prendre pour de la fausseté ; paraissant regarder l’homme qui lui parlait comme un ami qu’il se plaisait à diriger, à éclairer sur ses vrais intérêts ; cachant enfin le ministre pour ne montrer que l’homme aimable et facile : tel fut, à l’âge de vingt ans, M. de Maurepas ; tel nous l’avons vu depuis à plus de quatre-vingts ans.

Suivant les différences du rang, du mérite personnel, de la réputation, il donnait à sa politesse, à ses égards, les nuances que ces différences exigent ; mêlant à ces égards une liberté, une gaieté qui rendaient son accueil plus flatteur, en lui ôtant l’apparence de la cérémonie et de l’étiquette, il savait satisfaire l’amour-propre sans paraître céder aux prétentions. S’il était obligé de ménager, par des distinctions, une vanité plus délicate, il évitait avec soin tout ce qui pouvait les rendre humiliantes pour ceux qui n’en étaient pas l’objet, et souvent même il