Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 2.djvu/500

Cette page n’a pas encore été corrigée
480
ÉLOGE M. DE MAUREPAS.


rique par M. Deselieux, depuis chef d’escadre, à qui M. du Fay en avait confié quelques pieds. Manquant d’eau dans la traversée, il avait conservé ce dépôt précieux aux dépens de son propre nécessaire ; son zèle fut récompensé par le succès, au delà même de ses espérances, et le café devint bientôt une culture importante. Mais la compagnie des Indes avait le privilège d’empêcher cette production d’une terre française, de croître pour la France ; cet abus fut détruit ; et une denrée qui n’était qu’un objet de luxe et un plaisir de plus pour le riche, devint bientôt assez commune pour servir à la consommation du peuple. On a observé que dans presque toutes les nations, le peuple avait adopté un aliment ou une boisson dont l’usage est pour lui un amusement, une distraction plutôt qu’un besoin réel, et devient un plaisir de tous les jours que l’habitude n’émousse pas ; c’est aux médecins à prononcer sur les effets physiques de ces habitudes : mais ne doit-on pas regarder comme un bien pour l’espèce humaine l’usage de boissons, telles que le café et le thé, lorsqu’il succède à celui des liqueurs fortes, et qu’il en émousse le goût parmi le peuple ? L’abus de ces boissons ne conduit point à l’abrutissement et à la férocité ; l’espèce d’agitation qu’elles procurent et qui en fait le charme, ne coûte rien à la raison ni aux mœurs, et elles préservent le peuple, en diminuant sa passion pour les liqueurs enivrantes, d’une des causes qui contribuent le plus à nourrir dans cette classe d’hommes la grossièreté, la stupidité et la corruption.