Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 2.djvu/499

Cette page n’a pas encore été corrigée
479
ÉLOGE DE M. DE MAUREPAS.


personnel à ce que lui prescrivaient la raison et l’utilité publique.

Cependant M. de Maurepas n’était pas savant ; et comment l’aurait-il été ? Appelé au ministère à l’âge de quatorze ans, et dans un temps où l’on se croyait assuré, par une longue expérience, que des connaissances étendues ou profondes étaient inutiles aux ministres, comment aurait-il pu avoir le temps ou même le désir de se livrer aux sciences ? Mais il avait un esprit trop juste pour ne pas voir l’inutilité, le ridicule, ou même le danger des demi connaissances ; et il sentait trop bien sa supériorité à d’autres égards, pour rougir d’une ignorance involontaire : aussi se gardait-il bien de s’en rapporter à son opinion, ou même d’en avoir une sur les choses qu’il n’avait pu étudier ni connaître ; toutes ses décisions, sur des objets relatifs aux sciences, étaient formées d’après l’avis des juges naturels de chacun de ces objets ; s’il ne pouvait se défendre d’être quelquefois trompé, il voulait du moins être toujours en état d’opposer aux reproches du public, des noms faits pour imposer à l’opinion, et des suffrages dont le public lui-même était accoutumé à respecter l’autorité.

On fait gloire à un ministre des conquêtes exécutées avec les forces dont la disposition lui est confiée ; et quelle conquête plus réelle que celle d’une nouvelle branche de culture ! Doubler le produit de sa terre, c’est acquérir une terre nouvelle, et l’acquérir sans injustice et sans dangers. Le café avait été transporté en 1726 dans nos îles d'Amé-