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ÉLOGE DE M. DE MAUREPAS.


tamment, et préféraient l’honneur paisible d’y occuper les premières places, à l’ambition de briller au second rang dans la cour ou dans la capitale.

Ce fut seulement à la fin du seizième siècle, que les enfants de Louis Phelypeaux quittèrent leur ancienne patrie. Paul, son fils cadet, n’avait encore que dix-neuf ans, lorsque Révol, secrétaire d’État, qui se trouvait à Blois avec la cour, en 1588, pria son père de le lui confier, et se chargea de sa fortune. Il perdit cet appui à l’âge de vingt-cinq ans ; mais son application et sa prudence prématurée étaient déjà pour lui des protections plus sûres, et qui ne pouvaient lui manquer. Au mariage de Henri IV, il obtint la place de secrétaire des commandements de la reine Marie de Médicis ; et ce prince récompensa en 1610, par une charge de secrétaire d’État, la sagesse et la modération que Paul Phelypeaux avait montrées dans la cour désunie et orageuse de la reine. Mort en 1621, il eut pour successeur Raimond, son frère aîné, dont les descendants ont possédé sans interruption cette même charge jusqu’en 1775 ; en sorte que cette place du ministère a été occupée par six ministres du même nom pendant l’espace de cent soixante-cinq ans ; phénomène historique d’autant plus singulier, que cette espèce de confiance héréditaire du gouvernement subsista sans altération parmi les troubles de la minorité de Louis XIII, les factions qui agitèrent l’État pendant sa jeunesse, le règne sanglant de Richelieu, les tumultes de la fronde, le gouvernement modéré, mais défiant, de Mazarin ; les malheurs de la guerre de la succession, les orages