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ÉLOGE M. DE COURTANVAUX.


suivante, il servit à la tête du régiment royal, dont il avait été nommé colonel en 1740, pendant les campagnes de Bohême et de Bavière. En 1745, sa santé l’obligea de quitter le service : il avait bravé sans peine une mort glorieuse ; mais il ne crut pas devoir à sa patrie le sacrifice inutile et obscur des restes d’une vie que les fatigues auraient bientôt consumée.

Cependant, au bout de quelques années, le repos rétablit ses forces ; mais alors il eut un ennemi terrible à combattre : le désœuvrement avec l’ennui qu’il traîne à suite, et qui en est, pour ainsi dire, la punition. Né avec le goût de la simplicité et de l’indépendance, il ne trouvait dans la société que de la gène ; les plaisirs de vanité, attachés à une grande fortune, n’étaient rien pour lui ; et les plaisirs réels ne peuvent suffire au bonheur que dans les premières années de la jeunesse. Plus ils ont été vifs, plus le vide qu’ils laissent, lorsque l’habitude a flétri leurs premiers charmes et dissipé leurs illusions, devient difficile à remplir. L’homme occupé, qui les regarde comme un délassement, peut leur devoir des instants heureux ; mais ils ne sont qu’un obstacle de plus au bonheur de l’homme qui croirait, en s’y livrant tout entier, y trouver une véritable ressource. Il paraissait n’en devoir rester aucune à M. de Courtanvaux, dont l’éducation avait été très-négligée. Heureusement un goût naturel pour les sciences le sauva ; elles devinrent bientôt son unique occupation. Comme il ne s’y livra que pour éviter l’oisiveté, il les traita trop peut-être comme un simple