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ÉLOGE DE M. BERTIN.


ciété, l’eussent rapproché de la nature, et lui eussent donné le droit d’en écouter les sentiments sans partage, et de s’y livrer tout entier.

Sa réputation lui avait attiré la confiance de sa province ; on le consultait dans ces maladies rares et extraordinaires pour lesquelles les charlatans n’ont pu faire accroire que la connaissance de l’anatomie fût inutile. Souvent les réponses de M. Bertin étaient une description anatomique complète de la partie qui était le siège de la maladie, description où l’on trouvait des remarques utiles et nouvelles. Se défiant de lui-même, il craignait toujours de n’en pas faire assez, et faisait toujours beaucoup plus qu’on eût cru pouvoir exiger. Jamais son âme ne put reprendre cette force qui permet de voir le danger tel qu’il est, et qui suffit pour ne plus le craindre. On le vit, lors de la descente des Anglais à Saint-Cast, songer à quitter sa maison et à prendre la fuite, parce qu’il se souvenait d’avoir porté quelques mois le titre de médecin du prince Édouard. Il s’exagérait les inconvénients des plus petites affaires ; il portait la même inquiétude sur sa santé. On sent, par les efforts mêmes qu’il fait pour se rassurer, combien il avait besoin de l’être ; et l’on ne peut s’empêcher de le plaindre lorsqu’on le voit, dans un de ses mémoires, se féliciter de la découverte de l’anastomose de quelques vaisseaux du foie, comme d’une vérité consolante, et propre, dit-il, à rassurer, les gens de lettres surtout, contre la crainte des effets que produit l’engorgement de ce viscère. Il avait naturellement une âme douce et capable d’attachement, un caractère