Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 2.djvu/472

Cette page n’a pas encore été corrigée
452
ÉLOGE DE M. BERTIN.


souvenir de ce malheur n’affaiblît l’estime qu’il croyait mériter, pourrait-on lui reprocher une délicatesse trop grande ? Il sentait toujours, pour ainsi dire, le besoin qu’il avait de prouver qu’il était redevenu ce qu’il avait été. On voit qu’il cherchait moins à se faire valoir qu’à se justifier d’un soupçon qu’il craignait toujours de ne pouvoir détruire assez complètement ; et plusieurs traits de ses ouvrages qui, dans un autre, auraient prouvé un amour-propre trop petit ou trop délicat, ne prouvaient chez lui que le sentiment douloureux dont il ne pouvait se délivrer.

Dans ses ouvrages, il se livre à une critique, souvent un peu sévère, de ceux des autres ; mais cette critique est toujours dictée par l’impartialité et par l’amour du vrai. On voit que les grands noms ne lui en imposaient point ; il combat quelquefois Morgagni en le respectant, et Haller en l’estimant. Il savait sans doute que l’opinion publique ne plaçait pas son nom à côté des leurs ; mais il sentait qu’il était digne de les combattre, et il avait droit de croire que sans les malheurs qui avaient dérangé le cours de sa vie, s’il eût pu, comme eux, employer tout son temps et toutes ses forces, il eût mérité d’être leur rival.

M. Bertin avait formé le plan d’un cours complet d’anatomie. Sa maladie en interrompit l’exécution ; mais il reprit son travail lorsqu’il eut recouvré ses forces ; et dès 1754, il publia l’ostéologie, qui devait en former la première partie. Cet ouvrage est regardé comme un des meilleurs traités d’anatomie, par l’ordre qui y règne, par la précision et l’exactitude