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ÉLOGE DE M. BERTIN.


surtout à la patience, au zèle avec lesquels, pendant une année entière, M. de Lépine s’était montré le conseil, le consolateur ou plutôt le père de son malheureux ami ; c’était le titre que M. Bertin lui donnait, et qu’il n’a jamais cessé de lui donner depuis.

C’est d’après ce savant et respectable médecin, qui suivit M, Bertin dans toute sa maladie, d’après les propres lettres de M. Bertin lui-même, que nous avons tracé ce tableau, et nous n’avons cru devoir rien dissimuler. Lorsque des malheurs si peu mérités affligent un homme digne d’estime et de respect ; lorsqu’à côté du tableau de ces misères auxquelles l’humanité est condamnée, on peut placer des talents et des vertus, ces malheurs ne peuvent plus être que touchants, et celui qui les éprouve n’en peut devenir que plus intéressant et plus respectable. Ainsi, ni des talents supérieurs, ni des connaissances profondes, ni la justesse naturelle de l’esprit, fortifiée par l’habitude, ni un cœur droit et libre de toute passion violente, ni la vie la plus régulière et la plus sage, ne peuvent préserver celui dont les talents eussent excité l’admiration et l’envie, de devenir en un instant un objet de pitié. Si un homme qui a réfléchi pouvait être tenté de s’enorgueillir de quelque chose, combien un pareil exemple serait propre à le rendre à lui-même, et à lui montrer que les avantages les plus réels, les plus personnels, ne sont pas plus assurés que ceux dont la plus frivole vanité peut s’honorer ; que les dons de la nature sont aussi fragiles que ceux de la for-