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ÉLOGE M. BERTIN.


pectait le plus ; il passait une partie de l’intervalle de son sommeil à leur écrire, pour leur demander pardon, pour implorer leur pitié ; rien, dans ces lettres, ne montre aucun désordre dans les idées, aucun affaiblissement dans la raison, et l’on n’y voit que l’excès du malheur.

Ses accès, après avoir augmenté jusqu’à durer une semaine entière, commencèrent à diminuer au bout de quelques mois ; il avait chaque jour plusieurs heures d’intervalles. A cette époque, les accès étaient réglés, au point qu’il pouvait aller dîner chez ses amis, et revenir chez lui attendre son accès : enfin, ils devinrent moins longs, et lorsqu’ils ne furent plus que de quelques heures, un peu plus d’un an après le commencement de sa maladie, ses médecins jugèrent qu’un voyage en Bretagne, dans sa famille, pourrait lui être utile ; il partit, et ce ne fut qu’en 1750, après environ trois ans de maladie, que tous les symptômes disparurent.

Pendant les derniers mois de son séjour à Paris, il ne lui restait, dans les intervalles de son sommeil léthargique, que de la faiblesse, une tristesse profonde, et quelques singularités dans sa conduite et dans ses discours, singularités qui ne venaient d’aucun désordre, et n’étaient que la suite de sa faiblesse. Il n’avait pas la force de résister à ses premiers mouvements, de taire ses premières pensées, et de revenir sur ses premières idées pour leur donner, aux yeux des autres, de l’ordre et de la liaison. Son âme était calme ; il sentait vivement tout ce qu’il devait de reconnaissance aux soins de ses amis, et