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ÉLOGE M. BERTIN.

Cet état dura jusqu’au lendemain, qu’il parut se calmer ; mais se croyant toujours poursuivi, il s’échappa, quoique gardé à vue, et se jeta par une fenêtre ; heureusement son habit s’accrocha à une perche, il resta suspendu, et sa chute ne fut accompagnée d’aucune blessure. Dès ce moment, sa maladie changea de caractère ; une léthargie de trois jours succéda au seul accès de délire bien caractérisé qu’il ait éprouvé ; après ce temps, un réveil de quelques minutes, pendant lequel il parut avoir toute sa raison, fut suivi d’une nouvelle léthargie qui dura quatre jours ; ni les remèdes, ni les excita tifs ne pouvaient le tirer de cet état ; à peine était-il possible de lui faire avaler quelques gouttes d’eau ; ses membres étaient mous et flexibles ; les mouvements des artères étaient insensibles ; un battement de cœur qu’on avait peine à saisir, une respiration lente et presque imperceptible, étaient les seuls symptômes de vie qui lui restassent : à son réveil, il paraissait calme, causait avec ses amis, mangeait avec plaisir le dîner qu’on avait soin de lui tenir prêt, car la régularité de ses accès permettait cette précaution ; et, après environ une demi-heure, il retombait en léthargie.

Néanmoins, dans cet état de mort apparente, d’insensibilité presque totale, ni ses sens, ni son esprit ne participaient à son assoupissement : un jour, en s’éveillant, il refusa le dîner qu’on lui avait préparé, et demanda du poisson ; comme on craignait que le retour de son sommeil ne le surprît, on lui objecta la difficulté d’en avoir. Est-ce que je ne sais pas, ré-