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ÉLOGE DE M. BUCQUET.


nier témoignage d’un zèle qui survivait à ses forces.

Il mourut le 24 janvier 1780, laissant deux enfants, dont l’un, né presque le jour même de la mort de son père, était condamné à ne jamais recevoir ses embrassements, et à ne le connaître que par sa réputation et par les regrets de sa mère. Ses enfants n’ont presque reçu de lui d’autre héritage que son nom, l’exemple de ses talents, et la leçon utile et terrible de sa mort douloureuse et prématurée, s’ils ont un jour, comme lui, à se défendre contre l’amour de la gloire et l’ardeur pour l’étude.

Il est cruel de se séparer pour toujours de tout ce qu’on a aimé ; mais du moins la raison et le courage peuvent aider à supporter ce malheur avec constance ; on peut se dire que l’instant où l’on perdra tout, sera aussi l’instant où l’on cessera de sentir ses pertes : mais il est peut-être impossible de conserver son courage, et il n’est point permis de se consoler de ses maux par l’idée qu’on cessera de les sentir, lorsqu’on pense que l’existence qui va nous échapper était nécessaire à ceux que nous aimons, et dont le bien-être était pour nous un véritable devoir.

Heureusement, M. Bucquet n’éprouva point ce sentiment affreux dans toute son amertume ; il avait des amis dont l’âme lui était connue, et en leur léguant ses fils, en leur donnant cette dernière marque d’amitié, il sentait qu’il laissait à ses enfants plus que s’il leur eut laissé de la fortune.

Il pouvait croire aussi sans doute, que tout ce qui lui appartenait avait des droits à la reconnais-