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ÉLOGE DE M. BUCQUET.


et le plus sûr ; et pour un époux, pour un père qui n’a qu’un faible patrimoine, le soin d’augmenter sa fortune devient, en quelque sorte, un de ses devoirs.

Malheureusement la santé de M. Bucquet s’altéra bientôt : l’intérêt de sa famille ne lui permettait de renoncer ni à ses cours nia la pratique ; l’étude des sciences, les travaux de son laboratoire étaient nécessaires à son bonheur ; il ne voulait pas même renoncer au cours de chimie de la faculté de médecine ; engagé dans les discussions qui troublaient alors cette compagnie, il craignait d’être accusé de manquer de zèle pour l’intérêt de son corps ; il pensait que, pour éviter ou confondre ces reproches, il fallait remplir le devoir que la faculté lui avait imposé, quelque cher qu’il pût lui en coûter ; et il ne crut pas trop faire en sacrifiant le reste de ses forces et de sa vie à l’espérance de regagner, par cet acte de dévouement et de zèle, la confiance et l’amitié de ses confrères.

Tant que M. Bucquet avait conservé son activité au milieu de ses souffrances et d’un dépérissement rapide, qui effraya ses amis longtemps avant lui ; tant qu’il put croire qu’il avait conservé ses forces, il lui resta quelques espérances ; mais l’abattement où il tomba, quelques mois avant sa mort, les lui ôta toutes : alors il sentit qu’il lui fallait bientôt renoncer aux projets qui avaient occupé sa vie, et se séparer de ce qu’il avait aimé ; mais il voulut remplir encore des mêmes occupations et des mêmes sentiments le temps qui lui restait à vivre, préférant la mort à une vie languissante, et ne croyant point que