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ÉLOGE M. BUCQUET.


qui, par la liaison plus intime de leur objet avec notre bonheur et avec nous-mêmes, paraîtraient devoir exciter un intérêt plus vif, et inspirer plus d’ardeur : mais l’étude de la nature offre des principes sûrs, des méthodes certaines ; et, dans la jeunesse, l’on ne peut sentir encore combien l’application de ces méthodes est souvent difficile. Celui qui entre dans la carrière trouve à chaque pas un nouveau plaisir, parce que chaque pas lui fait découvrir une vérité nouvelle pour lui ; enfin le succès, la gloire y dépendent de nous-mêmes, de nos propres forces, dont à cet âge on ne s’avise guère de douter.

Il n’en est pas de même des sciences morales : on peut les réduire à des principes aussi simples et aussi sûrs que ceux des sciences physiques ; mais ces principes sont cachés, ou du moins obscurcis par les nuages que l’ignorance et la corruption ont amassés autour d’eux. Les vérités, dont la chaîne forme le système de ces sciences, sont livrées au jugement de la multitude qui se croit en état d’entendre, et en droit d’avoir une opinion ; elles sont liées en même temps avec tous les intérêts qui agitent les hommes : ainsi la vérité ne peut faire de progrès sans avoir à combattre les préjugés et les passions ; et l’expérience a prouvé qu’en ce genre, au lieu de chercher la vérité, et de rendre grâce à ceux qui la découvrent, ou qui s’efforcent de la répandre, les hommes se refusent à la lumière, et poursuivent trop souvent celui qui s’obstine à la leur montrer.

M. Bucquet, obligé de commencer l’étude de la jurisprudence, vit bientôt que dans cette étude on