Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 2.djvu/425

Cette page n’a pas encore été corrigée
405
ÉLOGE DE M. LIEUTAUD.


encore que les remèdes sont nuisibles lorsqu’ils ne guérissent j3as, et qu’ils guérissent rarement ; que la science de traiter les malades consiste à observer la nature, à saisir les moments où l’art peut la seconder, à profiter de ses forces au lieu de les détruire par des secours mal entendus, et que, dans l’art de guérir les hommes, comme dans celui de les gouverner, l’objet le plus important est moins d’agir que de s’abandonner à l’ordre de la nature, et surtout d’empêcher le préjugé, l’habitude et la déraison de la contrarier.

En 1767, M. Lieutaud fit un ouvrage latin sur les causes des maladies que l’inspection des cadavres peut faire reconnaître. Il semble, au premier coup d’œil, que cette inspection doive tout apprendre ; mais quelquefois la lésion qui a produit l’impossibilité de vivre ne se montre qu’à des yeux exercés ; plus souvent, si la cause immédiate de la mort est connue, elle n’est que l’effet d’une autre lésion souvent difficile à découvrir ; il faut démêler les maux dont il eut été nécessaire d’arrêter les progrès, et les maux plus anciens qui en ont été la première cause, et dont il eût fallu prévenir les effets ; il faut saisir les rapports des phénomènes extérieurs que la maladie a présentés, avec les causes de ces phénomènes, que le cadavre indique plutôt qu’il ne les montre.

Une grande partie de cet ouvrage est due aux observations de M. Lieutaud lui-même, et peu de médecins anatomistes ont été plus infatigables dans ces pénibles recherches : le nombre des corps qu’il avait disséqués avant l’âge de quarante ans, est même si