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ÉLOGE DE M. LIEUTAUD.


vation d’un corps osseux trouvé dans le cervelet d’un épileptique, celle d’une vésicule du fiel, bouchée par une pierre, et qui s’était trouvée vide, tandis que le canal était distendu par la bile ; cette observation semble détruire les hypothèses par lesquelles on avait expliqué jusqu’alors le passage de la bile dans la vésicule ; elle semble même pouvoir conduire à en démêler la véritable route. L’Académie crut dès lors devoir accorder à M. Lieutaud le titre de son correspondant, et il l’obtint sur le rapport de M. Winslow, qui avait été critiqué dans le seul ouvrage que M. Lieutaud eût alors publié. Si cette conduite honore M. Winslow, il est impossible aussi que M. Lieutaud, ayant reçu les mêmes marques de justice et d’attachement de deux hommes dont il avait combattu les opinions, ne dût pas une partie de cet avantage à son caractère, et à l’idée qu’il avait inspirée de sa franchise et de son amour pour la vérité : peut-être la justice serait-elle plus commune en ce genre, si l’on pouvait toujours supposer que ce sentiment est le seul motif qui ait inspiré les critiques. Ce qui paraît le prouver, c’est que dans les sciences, où la critique a pour objet des questions importantes, où l’on discute des vérités réelles, et dont les conséquences influent sur le bonheur des hommes, les auteurs supportent la censure avec plus de patience, et la pardonnent plus vite que dans la littérature, où la critique ne s’exerce que sur le talent des écrivains, à qui dès lors il semble permis de voir dans leurs censeurs des ennemis de leur gloire, plutôt que des amis de la vérité.