Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 2.djvu/418

Cette page n’a pas encore été corrigée
398
ÉLOGE DE M. LIEUTAUD.


que l’auteur même. Dans toutes les sciences, la connaissance de la méthode employée à trouver les vérités est, pour ainsi dire, plus précieuse que celle de ces vérités mêmes, puisqu’elle renferme le germe de celles qui restent à découvrir.

Médecin et professeur à Aix, M. Lieutaud ne connaissait que son amphithéâtre et le lit de ses malades, lorsqu’une circonstance singulière vint l’en arracher. Il avait trouvé quelques erreurs dans l’ouvrage d’un médecin qui remplissait à Versailles la première place : M. Lieutaud crut devoir concilier les égards dus à son confrère, avec l’obligation de faire connaître la vérité ; au lieu de relever publiquement les erreurs qu’il avait observées, il se contenta d’en avertir l’auteur, qui prit le parti le plus sûr à la fois, et le plus noble, celui de profiter de la critique, et de rendre justice au savant qui l’avait corrigé. La réponse de M. Sénac aux observations de M. Lieutaud fut la nouvelle d’une place qu’il lui avait fait obtenir à Versailles. Ce n’est pas cette seule fois que M. Sénac a traité comme des amis ceux qui lui faisaient apercevoir les fautes qui lui étaient échappées. L’injustice d’un auteur envers le critique qui lui montre ses erreurs est si commune, qu’un tel exemple mérite d’être remarqué, quoique dans cette circonstance, comme dans presque toutes les actions de la vie, il suffise, pour être juste, de bien entendre ses intérêts.

S’il y a des hommes qui portent dans la retraite les passions inquiètes des courtisans, il en est d’autres qui gardent à la cour la simplicité des mœurs