Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 2.djvu/417

Cette page n’a pas encore été corrigée
397
ÉLOGE DE M. LIEUTAUD.


l’ouvrage du hasard, principalement lorsque l’ignorance et la médiocrité de celui qui est l’objet de cet enthousiasme le replacent, sur tout le reste, au niveau ou au-dessous de ses admirateurs.

Il est difficile qu’un traité complet de quelque science que ce soit n’ait pas quelques endroits faibles, parce qu’il est au-dessus des forces d’un homme d’approfondir également toutes les parties, même d’une seule science. Cette difficulté était d’autant plus grande pour M. Lieutaud, qu’il n’aimait point à se servir des lumières d’autrui, et qu’il ne voulait parler que de ce qu’il avait vu ; lui-même avait senti ce qui pouvait manquer à son ouvrage, il le corrigeait à chaque édition, plus frappé de la crainte de laisser ses lecteurs exposés à partager les erreurs qu’il avait pu commettre, que de celle de rendre la première édition inutile. Enfin, dans ses dernières années, se défiant lui-même de ses forces, il abandonna le soin de son ouvrage à un de ses amis, son confrère dans cette Académie ; et c’est non-seulement avec les additions de l’auteur, mais avec les remarques du savant éditeur [1], qu’il a paru dans la dernière édition. L’ouvrage de M. Lieutaud a un autre mérite, bien précieux aux yeux des anatomistes, celui de renfermer des détails sur la manière de disséquer chaque partie : autrement, un livre d’anatomie dit bien ce que doivent être les objets, mais il n’apprend point à les voir, à juger par ses yeux de l’exactitude des descriptions, à voir mieux

  1. M. Portal.