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ÉLOGE DE M. LIEUTAUD.


de condamner hautement des opinions qu’on porte au fond du cœur, de s’élever contre les actions qu’on se permet en secret. Ses réflexions lui avaient appris que tout homme qui s’engage dans un état, où il doit soutenir la pureté du dogme et prêcher l’austérité de la morale, contracte l’obligation rigoureuse de penser et d’agir comme il parle, puisque toute contradiction entre ses engagements et ses opinions ou sa conduite l’avilit également, soit qu’il se montre avec audace, soit qu’il prenne le soin toujours inutile de se cacher.

La famille de M. Lieutaud ne résista point à une volonté dont elle était obligée de respecter les motifs ; elle céda, et il eut la liberté de suivre les écoles de médecine.

La botanique fut d’abord l’objet de ses études ; il fit un voyage dans les pays que Tournefort avait parcourus, et en rapporta plusieurs espèces nouvelles, qui avaient échappé aux yeux de celui que les botanistes français regardaient comme leur maître. Ce succès lui mérita une grande réputation dans les universités d’Aix et de Montpellier, et il obtint bientôt, dans la première, la survivance des chaires de botanique et d’anatomie que son oncle avait longtemps remplies. Cependant, la préférence qu’il semblait accorder à la botanique était l’ouvrage du hasard qui lui avait donné un oncle botaniste. Un attrait plus puissant l’entraînait vers l’anatomie, et lorsqu’il eut perdu son oncle, au goût duquel il avait en quelque sorte sacrifié le sien ; lorsque la place de médecin de l’hôpital d’Aix lui eut imposé le devoir