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ÉLOGE DE M. LE COMTE D'ARCI.


France trouvaient dans M. d’Arci un protecteur, ou plutôt un ami. Il partageait avec eux sa fortune, s’occupait de leurs intérêts, suivait leurs affaires avec chaleur, employait pour eux le poids que lui donnaient sa réputation et le crédit de ses amis. Il consolait ou servait l’infortune, défendait ou appuyait le talent, et ne protégeait ni l’avidité ni l’intrigue, malheur où tombent si souvent ceux qui obligent, moins par bienfaisance que par vanité ou par faiblesse.

On remarquait en lui un penchant pour les Anglais, qui semblait contraster avec l’ardeur qu’il avait montrée contre l’Angleterre ; c’est que la différence des gouvernements ne forme pas la différence des nations. Une même langue, la ressemblance des mœurs et des opinions politiques, les mêmes goûts, le même amour de la liberté, font un seul peuple des Irlandais et des Anglais. En plaignant sa nation opprimée par l’Angleterre, en détestant la domination des Anglais, M. d’Arci aimait la nation anglaise, était fier de ses succès dans tous les genres, même de ses succès militaires, quoiqu’il les vît avec douleur. Les grands hommes, les savants d’Angleterre étaient ses compatriotes ; la constitution anglaise était celle sous laquelle il eût préféré de vivre ; le prince seul était étranger pour lui. Ainsi, M. d’Arci réunissait, comme plusieurs de ses compatriotes, deux passions qui paraissent contradictoires, et qui ne sont que deux modifications d’un même sentiment, l’amour de sa patrie et des lois de son pays, avec la haine de son gouvernement.