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ÉLOGE DE M. DE JUSSIEU.


saient un nouveau bienfait, auquel il répondait chaque jour par une reconnaissance nouvelle, et l’état où il était tombé lui avait laissé son caractère naturellement doux et sensible. Bientôt sa vie ne fut plus qu’un assoupissement continuel, ses membres se retirèrent, et il mourut de la gangrène, après huit jours de souffrances, le 11 avril 1779, âgé de plus de soixante-quatorze ans.

Telle fut la fin de quarante ans de travaux, et de quinze ans de malheurs.

M. de Jussieu avait été fait adjoint-botaniste de l’Académie en 1743, lorsqu’il était au Pérou : en 1758 on le nomma associé-vétéran, à cause de sa longue absence. Son état, à son retour, ne lui permit point de paraître à nos assemblées, et, par une singularité unique, il fut académicien pendant trente-six ans, sans avoir jamais paru à l’Académie ; il a consacré aux sciences sa vie entière, et n’a pas même publié un seul mémoire.

M. de Jussieu, son neveu, croit devoir à la mémoire de son oncle, de donner un journal détaillé de son voyage, de publier ceux de ses travaux que les naufrages et les accidents ont épargnés ; c’est là qu’on pourra juger de tout ce qu’on a perdu, et qu’on verra combien d’estime et de reconnaissance on devait à cet homme oublié, maltraité même pendant sa vie, et qui a fait aux sciences et à l’humanité le sacrifice le plus entier peut-être dont les annales des sciences puissent s’honorer.

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