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ÉLOGE DE M. DE JUSSIEU.

Quatre années furent employées à ces travaux. Le gouverneur du pays, M. de Xauregui, qui logeait chez lui M. de Jussieu, lui avait des obligations personnelles du soin qu’il avait pris de sa famille ; il le retint un an, le flattant de l’espérance de le ramener bientôt sur les côtes, et de le conduire en Europe. Cette année écoulée, M. de Jussieu revint avec M. de Xauregui à Lima, par une autre route que celle qu’il avait prise en quittant cette ville, et y arriva vers la fin de décembre 1755.

Il n’aspirait d’abord qu’à retourner dans sa patrie ; sa santé était affaiblie, et son courage commençait à l’abandonner ; M. de Xauregui partit sans lui, soit qu’il ne voulût pas exposer M. de Jussieu aux fatigues du voyage par le cap Horn, soit qu’il désirât laisser auprès de sa femme un médecin habile, et nécessaire à sa santé. M. de Jussieu resté à Lima, ne recevant de sa patrie aucun secours, privé de ses appointements, comme si, en s’obstinant à rendre son travail plus complet, il eût mérité d’en perdre la récompense, fut obligé de se livrer de nouveau à la pratique de la médecine. La géométrie, seule étude qui le satisfît par l’évidence de ses démonstrations (ce sont ses termes), occupait le reste de son temps ; il ne voyait plus dans la botanique qu’une science à laquelle il avait sacrifié sa santé et sa fortune, qui ne l’avait pas même récompensé, par la gloire, de ce qu’elle lui avait coûté. Le plaisir de nourrir la passion plus constante et plus heureuse de ses frères, aurait suffi pour soutenir son courage ; mais on lui mandait souvent que ses envois de graines et de plantes