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ÉLOGE DE M. DE JUSSIEU.


état horrible ne dura qu’un jour ; mais qui peut apprécier la longue et terrible durée d’un tel jour ?

C’est à travers tant de fatigues et de dangers que M. de Jussieu parvint à un pays fertile, riche en plantes jusqu’alors ignorées de l’Europe ; mais à peine les a-t-il recueillies, qu’il se livre à de nouveaux dangers : il marche au milieu des précipices dans un pays inhabité, où il découvre les restes immenses des forteresses que les Incas opposaient aux incursions des sauvages. Ces vastes contrées étaient devenues désertes ; placées près du Paraguay, toute communication leur était interdite avec ce pays, où l’on croyait alors que les jésuites avaient fondé un empire, et où ils n’avaient réellement établi que des couvents et des comptoirs : de là il passe à la province de Losmoxos, traversant des pays marécageux et brûlants, dévoré par le soleil, et plongé dans la fange jusqu’aux genoux, vivant de millet et de maïs, forcé de passer la nuit sur les arbres, et d’abandonner la terre aux reptiles : enfin, après avoir vu tout ce que les provinces éloignées des côtes pouvaient lui offrir d’objets nouveaux, il se retrouva, en 1752, au Potosi.

La plus grande partie des découvertes faites dans ces voyages est perdue pour nous ; nous ne pouvons en présenter que quelques fragments, bien propres à augmenter nos regrets.

M. de Jussieu décrivit l’espèce de cannelle qui croît sur les montagnes du pays de los Canelos ; il ramassa dans une des vallées des Cordillères l’héliotrope odorant, et la pervenche, naturalisée depuis