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ÉLOGE DE M. DE JUSSIEU.


était né avec une de ces imaginations vives qui, lorsqu’elles sont jointes à un esprit juste et à un cœur droit, peuvent rendre inconstant dans la jeunesse, mais ne laissent plus dans l’âge mûr qu’une activité utile : abandonnant bientôt son premier projet, il quitta l’étude de la botanique pour celle des mathématiques, et la profession de médecin pour l’état d’ingénieur. Il acquit alors des connaissances que souvent dans la suite il eut occasion d’employer, et que peut-être on devrait regarder comme un préliminaire essentiel dans toutes les sciences naturelles, soit parce que dans chacune il se présente des questions où l’application de ces connaissances est nécessaire, soit parce que ces mêmes connaissances donnent à ceux qui les cultivent l’habitude d’être plus difficiles sur les définitions et sur les preuves. A mesure que les sciences se sont étendues, leur distinction a été plus absolue et leurs limites plus marquées ; mais il serait peut-être aussi nuisible à leur progrès de trop les isoler que de trop les confondre. Après cette diversion, qui fut très-courte, M. de Jussieu revint à des occupations vers lesquelles il se sentait rappelé, parce qu’elles lui étaient communes avec des frères qu’il chérissait.

En 1735, il fut choisi, comme botaniste, pour accompagner au Pérou les astronomes de l’Académie ; il les suivit dans ce voyage célèbre, profitant des relâches les moins longues pour envoyer à ses frères les plantes et les graines qu’il recueillait. Arrêté plus d’une fois par des maladies courtes et violentes, il s’en relevait pour se livrer avec une ardeur