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ÉLOGE DE M. DE LINNÉ.


nouvelles observations sur la nature lui en fournissaient de nouvelles preuves : il y croyait, parce que chaque jour il la voyait agir sous ses yeux.

« L’homme physique qui use de la nature est, disait-il, comme un roi qui a droit d’exiger de ses sujets ce qui est nécessaire à ses besoins, et qui les fait servir à l’accomplissement de ses desseins ; s’il abuse de son pouvoir, il apprend bientôt, par la résistance de ses sujets même, que les rois ont été établis pour les peuples, et non les peuples pour les rois, et qu’il n’a reçu l’empire sur la nature que pour servir à conserver dans l’univers l’ordre que la Providence y a établi. Ainsi, tandis que les végétaux fournissent à tous les animaux leur nourriture, une retraite, un abri pour les générations naissantes, ces mêmes animaux, quelquefois nécessaires à la reproduction des plantes, servent encore, par la destruction même qu’ils font des végétaux, à maintenir entre les différentes espèces un équilibre qui en assure la perpétuité. L’on peut(dire en un sens que les animaux ont été formés pour les plantes, comme les plantes pour les animaux ; ou plutôt toutes les parties de la nature subordonnées entre elles, mais nécessaires l’une à l’autre, forment un ensemble aussi frappant par l’unité du plan que par la sagesse des vues de son auteur. »

L’existence des poisons n’était même, pour M. de Linné, qu’une raison de plus d’admirer les soins de la Providence pour l’espèce humaine. « La nature, disait-il, n’a préparé des poisons dans l’ordre phy-