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ÉLOGE DE M. DE LINNÉ.


d’éterniser l’existence d’un même individu, a lieu dans les deux règnes, et forme une sorte d’analogie entre les plantes les plus parfaites et les animaux les plus imparfaits. Aussi quand on observe la chaîne de tous les genres d’animaux, depuis les quadrupèdes jusqu’aux polypes, on voit l’organisation se simplifier, le mouvement spontané et la sensibilité s’affaiblir, et en même temps les organes destinés à recevoir la nourriture se multiplier : le principe de la vie, au lieu d’appartenir seulement à l’individu, se trouver tout entier dans plusieurs de ses parties, et l’animal se rapprocher de la plante jusqu’à n’en être plus séparé que par des nuances imperceptibles.

Ces rapprochements ne sont pas les seuls que M. de Linné ait cru trouver entre les deux règnes ; il en a saisi de très-singuliers entre les substances dont les plantes et les animaux sont composés : nous n’entrerons dans aucun détail sur ces idées ingénieuses, mais trop systématiques. Ceux qui n’ont vu dans M. de Linné qu’un simple nomenclateur, et qui font consister le talent d’un naturaliste moins dans l’art de bien voir et de bien lier les faits, que dans celui de former des conjectures hardies et de hasarder des vues générales, ne jouiront du moins s’empêcher d’estimer M. de Linné, en lisant cette partie de ses ouvrages.

La botanique, quelque immense qu’elle soit dans ses détails, ne suffisait pas à son activité ; il osa former le projet de décrire et de classer tous les êtres de la nature : il choisit, pour les caractères du règne animal, les parties destinées aux fonctions les plus