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ÉLOGE DE M. DE LINNÉ.


de la gloire plus ou moins brillante qu’elles procurent : sans doute ces motifs animent et soutiennent puissamment tous les hommes nés pour de grandes choses ; mais quand il s’agit de se livrer à des occupations où le plaisir du travail en est la première récompense, ce n’est jamais que l’attrait de ce plaisir qui détermine notre choix,

Les jeunes botanistes accoururent en foule chercher des instructions auprès de M. de Linné ; il les pénétra de son zèle, et bientôt la terre entière fut couverte de ses disciples : la nature fut interrogée à la fois au nom d’un seul homme, de la cime des montagnes de la Norwége aux sommets des Cordillères et de l’Atlas, des rives du Mississipi aux rives du Gange, des glaces du Groenland aux glaces de l’hémisphère austral.

Tous ces voyages, qui paraîtraient demander qu’un grand roi voulût déployer, en faveur des sciences, sa magnificence et son pouvoir, un simple particulier les fit entreprendre, sans autre force que l’empire du génie sur des âmes également avides d’instruction et de gloire, et sans autre récompense pour ses élèves que l’honneur de rapporter aux pieds de leur maître les richesses qu’ils enlevaient à la nature.

Trois de ces savants, Hasselquist, Forskahl et Lœfling, succombèrent à leurs fatigues ; ils moururent éloignés de leur patrie, au milieu de peuples incapables de sentir combien cette mort était glorieuse et touchante, ne remportant d’autre prix d’une vie sacrifiée à l’étude de la vérité, que l’espérance in-