Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 2.djvu/361

Cette page n’a pas encore été corrigée
341
ÉLOGE DE M. DE LINNÉ.


de plus que de l’assiduité et de la patience ? Et si ce talent de porter rapidement son attention sur une foule d’objets, de les bien voir, de les voir tout entiers, n’est pas le génie de l’observation, c’est du moins une qualité très-rare, très-précieuse, et sans laquelle ce génie ne peut exister.

Ce système fit une révolution dans la botanique ; la plupart des écoles de l’Europe s’empressèrent de le suivre, et de publier les catalogues de leurs plantes rangées d’après la méthode de Linnæus. La nomenclature des plantes assujettie à un ordre facile à saisir, l’art de les connaître réduit à un petit nombre de principes généraux, rendirent l’étude de la botanique moins pénible et moins rebutante : les nouvelles merveilles que M. de Linné avait découvertes dans les plantes excitèrent un nouvel enthousiasme pour une science qui, déjà si séduisante, parce que l’étude y a presque toujours l’air d’un délassement, l’est surtout dans l’âge où l’on se choisit un objet d’étude. Elle satisfait à la fois l’activité de l’esprit et celle du corps, le besoin du mouvement et celui de l’occupation ; elle offre, à un âge avide de jouir, des plaisirs toujours variés, et présentant chaque jour quelque objet nouveau, le travail de chaque jour ne manque presque jamais d’avoir sa récompense : les jouissances sont sans doute moins vives que dans les sciences où la vérité est le prix d’une méditation longue et profonde ; mais elles sont plus fréquentes, et elles coûtent moins de peine. Nous ne parlons pas ici de l’utilité plus ou moins grande des différents genres de sciences, et