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ÉLOGE DE M. DE LINNÉ.


tinctions frivoles de la vanité, peut l’être encore aux honneurs de la gloire.

Cet hommage rendu à l’Académie par un savant illustre que l’Europe avait comblé de titres littéraires, honore à la fois cette compagnie et la nation ; il prouve surtout combien est sage la loi qui fixe à huit seulement le nombre de nos associés étrangers : en effet, quel homme de génie ne serait flatté de voir son nom inscrit dans une liste si courte, entre le czar Pierre et Newton ?

Le père de M. de Linné, qui exerçait les fonctions de ministre dans le village de Stenbrohult, s’amusait à cultiver des plantes ; et son fils apprit dès l’enfance à les étudier. Il avait reçu de la nature cette activité d’esprit qui ne permet point de repos tant qu’il reste quelque chose à voir ou à découvrir ; ce coup d’œil prompt et juste qui saisit tout ce qui mérite d’être observé, et qui ne voit les objets que tels qu’ils sont ; cette force de tète nécessaire pour rassembler des faits épars, et ne former qu’une grande vérité d’une foule de vérités isolées. Ainsi, en offrant des plantes aux premiers regards de M. de Linné, en déterminant par là sur quels objets son esprit devait s’exercer, le hasard le fit botaniste : mais déjà la nature avait préparé un grand homme.

À l’âge de vingt et un ans, il se rendit à Upsal, qu’on pouvait alors regarder comme la capitale littéraire de la Suède. Olaùs Celsius, qui était à la fois un érudit très-profond et un naturaliste habile, sentit le mérite du jeune de Linné, et devina son génie ; il lui servit de père, et lui procura toutes les ins-