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ÉLOGE DE M. MALOUIN.


pecté la médecine. On opposait un jour à cette opinion l’exemple de Molière, à qui personne ne pouvait refuser ni un grand génie, ni une raison supérieure : Voyez aussi comme il est mort, répondit M. Malouin ; mot d’autant plus plaisant qu’il est vrai ; et sans doute le médecin de Molière (car on sait qu’il en avait un) aurait pu lui dire avec raison : Faites des comédies contre nous, si vous voulez ; mais la médecine vous défend de les jouer, sous peine de la vie.

On pourrait demander lequel doit inspirer le plus de confiance à un malade, ou d’un médecin trop persuadé de la certitude de son art, ou d’un médecin pyrrhonien qui traite une maladie qu’il n’est pas sûr de connaître, et donne des remèdes dont l’effet lui paraît douteux à lui-même ? Cette question n’est peut-être pas facile à décider. Le doute semble caractériser un esprit plus sage ; mais il est si facile et si commode de douter de tout ; on acquiert si aisément, par ce moyen, la réputation d’un bon esprit, que la charlatanerie et l’ignorance ont aussi appris à douter. La bonne foi de M. Malouin était si connue, que l’excès de sa confiance ne lui fit rien perdre de celle de ses malades.

Il entra comme chimiste à l’Académie en 1742. Il s’était fait connaître auparavant par sa Chimie médicale, ouvrage utile dans un temps où quelques médecins vantaient les remèdes chimiques avec un enthousiasme aussi ridicule que dangereux, et ou ces mêmes remèdes étaient entièrement rejetés par d’autres médecins, d’après un préjugé absurde qui