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ÉLOGE DE M. MALOUIN.


il se conduisait d’après son esprit, toujours juste et toujours sage. D’ailleurs, il avait consenti sans peine à conserver cette réputation d’insensibilité ; il avait souffert les plaisanteries de ses sociétés sur sa froideur, sans chercher à les détromper, parce que, bien sûr que ses vrais amis n’en seraient pas la dupe, il voyait dans cette réputation un moyen commode de se délivrer des indifférents sans blesser leur amour-propre.

Le public nous pardonnera de nous être un peu étendus sur la tendre reconnaissance de M. Malouin pour M. de Fontenelle, reconnaissance que plusieurs de nos confrères partageaient avec lui. Nous avons cru devoir rendre témoignage aux vertus d’un sage dont l’envie n’a point respecté les cendres, parce que, uniquement occupée de l’intérêt de blesser les vivants, elle se plaît également, selon que cet intérêt l’exige, à déchirer les morts ou à les accabler de louanges exagérées. L’Académie nous pardonnera plus volontiers encore cette courte digression sur un philosophe illustre, dont la mémoire lui est chère, qui a été si longtemps le digne organe de cette compagnie, et qu’elle a lieu maintenant de regretter plus que jamais.

M. Malouin trouvait, parmi les savants et les gens de lettres, des malades souvent peu disposés à croire à la certitude de la médecine, et peu de médecins en ont été aussi persuadés que lui. Son enthousiasme excessif pour son art, qui eût paru un ridicule dans un médecin ignorant, devenait une singularité piquante dans un médecin éclairé. La franchise, vertu