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ÉLOGE DE M. DE HALLER.


sévère et forte, jointe à une pureté de langage, à une propriété de termes qui seraient un mérite, quand même le français aurait été sa langue naturelle, et qu’on ne peut assez admirer dans un étranger. Ainsi, par une singularité unique peut-être, il a été à la fois un grand poète en allemand, et en français un écrivain de prose très-distingué.

M. de Haller était né avec un tempérament faible ; mais la tempérance l’avait fortifié. L’excès du travail, le moins dangereux, le plus excusable de tous, et celui dont l’effet est le plus lent, n’altéra point ses forces. La goutte fut sa seule infirmité jusqu’à ses dernières années, qu’attaqué d’une maladie de vessie, il succomba après des douleurs longues et cruelles. L’opium fut le seul remède qu’il y opposa. Si ce remède abrégea ses jours, il en rendit la fin moins douloureuse. M. de Haller fut même assez heureux pour que l’opium, qui semble n’adoucir les douleurs qu’en portant l’engourdissement et le trouble dans toutes les facultés, lui laissât la faculté de travailler encore.

C’est au milieu de ses souffrances qu’il mit la dernière main à sa physiologie. il imagina de dresser un journal détaillé de sa maladie, qu’il envoya à l’académie de Gottingue. A lumières égales, le malade lui-même doit être meilleur observateur que tout autre ; mais malheureusement il est rare qu’il conserve assez de sang-froid pour observer avec exactitude. M. de Haller sentit approcher la mort sans terreur comme sans impatience, plein de confiance dans le Dieu qu’il avait fidèlement servi, et