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ÉLOGE DE M. DE HALLER.


extraordinaires. Il semble sentir que la vie est peu de chose pour lui, qu’elle est beaucoup pour ses maîtres, et qu’ainsi c’est à eux de s’occuper de sa conservation. On trouve des tribunaux de cette espèce dans presque tous les pays où ceux qui gouvernent n’étant séparés du peuple que par quelques degrés, peuvent craindre de partager ses maux et ses dangers ; et ces établissements y sont d’autant plus nécessaires, que, sans un tribunal d’hommes éclairés, la peur ferait proscrire des nouveautés utiles, ou consacrerait des préjugés dangereux, et souvent inspirerait des précautions ou tyranniques ou ridicules, presque toujours plus dangereuses que le mal qu’on voudrait déraciner.

Il est inutile, sans doute, d’observer qu’il ne s’agit pas ici d’un tribunal uniquement composé de médecins ; car les médecins peuvent avoir aussi des préjugés ou un intérêt différent des intérêts du peuple ; mais nous parlons d’un tribunal de magistrats éclairés sur la médecine, et doués d’une philosophie qui les élève au-dessus même des préjugés des savants. On sent quelle influence M. de Haller devait avoir dans un conseil de santé. Il employa l’autorité qu’il avait dans ce conseil à faire une guerre assez vive à ces hommes connus en Suisse sous le nom de /neiges, qui surprennent la confiance du peuple, et à qui ils paraissent d’autant plus habiles, qu’ils se vantent de n’avoir rien appris ; que leurs raisonnements, fondés sur des idées analogues aux idées populaires, semblent plus clairs et plus frappants à la multitude ; qu’ils mêlent pres-