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ÉLOGE DE M. DE HALLER.


times de ses recherches se montre souvent dans le compte qu’il en rend. On voit que, poussé par une sorte de remords, il ne manque aucune occasion d’insister sur l’utilité que le genre humain peut retirer de ces expériences ; on voit même qu’il eût voulu croire que ces animaux ne souffraient point, et qu’d eût désiré n’être pas obligé de renoncer à l’opinion de Descartes. Il pensait que le désir de connaître une vérité stérile, ou l’amour de la gloire, ne pouvait donner le droit de faire périr dans les tourments des êtres sensibles ; et que s’il y a peut-être de l’orgueil à les croire formés pour nos besoins, il est absurde et cruel à la fois d’imaginer qu’ils sont destinés à être le jouet de notre curiosité ou de notre vanité.

Ces découvertes sur l’irritabilité furent pour M. de Haller l’occasion d’un chagrin très-vif. Lamétrie fit de cette propriété de la matière animée le fondement d’un système de matérialisme ; et il trouva plaisant de dédier son livre à M. de Haller, et de dire que c’était à lui qu’il devait la connaissance des grandes vérités que ce livre contenait. M. de Haller était sincèrement attaché, dès l’enfance, à sa religion ; il regarda comme une insulte grave cette plaisanterie de Lamétrie, et vit avec horreur qu’on le dénonçait à l’Europe comme un fauteur du matérialisme, ou du moins comme l’inventeur des principes qui y servaient de base. Le respect qu’il avait témoigné constamment pour le christianisme dans tous ses ouvrages, sa vie si conforme aux préceptes de l’évangile, ne le rassurèrent point contre cette accusa-